L'hygiène mentale des nouveaux Chamanes

"Le shamanisme traditionnel, qui s’est toujours appuyé sur l’animisme (la plus ancienne spiritualité de l’humanité) est entrain d’exploser, de se déliter, de partir en miettes… Pourquoi ?"

"Parce qu’il procure du rêve, le marché du soin sauvage est très lucratif !

Traditionnellement le pouvoir politique était sur le devant de la scène et assumait le choc des confrontations ; dans l’ombre, à l’abri des agitations, le pouvoir religieux manipulait le pouvoir politique afin de protéger ses multiples intérêts.

Depuis une génération les règles du jeu ont changé ; nous assistons à un retour en force du sentiment religieux sur le devant de la scène. Cette manipulation occulte est aidée par la puissance des pouvoirs médiatiques qui exploitent le filon en sachant si bien faire exploser l’audimat en vendant des larmes !

La scène de notre théâtre quotidien est envahie de telle sorte que nous sommes convaincus que rien ne peut se faire ou s’exprimer sans l’omniprésence de la magie des rituels qui vont nous conduire vers le mysticisme libérateur de nos angoisses terrestres.

Pour se convaincre de cette affirmation il suffit de s’inscrire (en payant) et de suivre le contenu des festivals shamaniques européens… Une suite, sans repère, de délires collectifs où l’on ne sait plus distinguer l’acteur du spectateur, le thérapeute du patient… Surtout quand le thérapeute, épuisé par sa guerre contre les démons, devient patient !

Le shamanisme traditionnel, qui s’est toujours appuyé sur l’animisme (la plus ancienne spiritualité de l’humanité) est en train d’exploser, de se déliter, de partir en miettes… Pourquoi ?

Le statut du shaman, autorité médicale et spirituelle, était protégé, à la fois par la communauté et par le pouvoir civil dont la fonction était d’assurer continuité et sécurité à la population.

Les bouleversements du XX ème siècle (marxisme pour les shamans de Carélie, Russie du Nord, et décolonisation pour les shamans africains) ont fait exploser cette structure ancestrale.

L’Europe, et le monde occidental, en quête de sens, ont récupéré les miettes et savent très bien les vendre pour répondre aux angoisses occidentales.

Des signes avant-coureurs existaient déjà il y 10 ans…

Dialogues sur le terrain shamanique

En février 2006 je me trouvais dans une mission ethnographique au Mali ; dans la région montagneuse de Bandiagara … Pays des Dogons ! J’ai eu l’immense chance de rencontrer Joseph G’NONGO, shaman de la région de Sangha. Nous avions eu l’occasion de soigner le père du chef d’un village DOGON d’une grave infection cutanée.

Comme reconnaissance du village nous avons été autorisés à entrer dans la vie secrète de cette population imprégnée d’une remarquable spiritualité.

Très vite le contact sympathique s’établit avec Joseph G’NONGO, « autorité shamanique » de la région avec qui nous avons partagé et comparé nos méthodes

J’ai eu la chance d’enregistrer cette rencontre, au cœur de la tradition africaine, et je peux la traduire dans ce qu’elle possède d’essentiel.

Nous avions remarqué que la population avait déserté ses services ; qu’il aimait parler de son expérience mais qu’il ne la pratiquait plus ! Pourquoi ?

Destruction progressive de l’identité

Je suis soulagé de ne plus avoir à pratiquer…

Pourquoi ?

Je suis épuisé !

Peux-tu nous expliquer d’où vient cet épuisement ?

« Au début, le soin porté aux autres est flatteur. Ce monde ésotérique, magique, coupé des préoccupations sordides du réel, m’a procuré une certaine autorité flatteuse pour mon Ego que je savais démesuré. Tous les gestes secrets, toutes les paroles envoûtantes que j’ai pu prononcer m’ont persuadé que j’étais un être exceptionnel. Ce statut valorisant pour l’identité, m’a finalement enfermé dans une solitude imposée dans laquelle j’ai perdu progressivement tous mes repères sociaux.

Dans les allés et retours entre les mondes visibles et invisibles je savais dans quel état je partais ; je ne savais jamais dans quel état j’allais revenir. Dans certaines pratiques, les membres de ma famille ne me reconnaissaient plus ; avec les années je devenais solitaire par obligation. Une ambivalence qui est une véritable souffrance.

Je me suis posé la question de savoir comment le guérisseur que j’étais pouvait apporter un soin à des personnes qui finalement souffrait moins que moi. Le pouvoir isole, celui-là en particulier !

J’étais l’intermédiaire entre deux mondes et j’avais du mal à identifier celui dans lequel je me sentais bien.

Il m’est arrivé de désirer rester dans le mode des esprits et des démons. »

Formes lentes du suicide camouflé

Tu t’es donc posé la question des formes suicidaires de ce statut et de cette fonction d’autorité solitaire ?

Oui ! Tu sais, le pouvoir, surtout celui qui s’entretient par une magie artificielle, nourrit une volonté de domination souvent impossible à lâcher.

L’orgueil, le statut d’autorité de guérison, entretiennent une volonté de puissance sur les êtres et les démons. Cette rage de vaincre la souffrance des autres nous fait oublier la notre… jusqu’au jour ou elle éclate en pleine conscience.

C’est souvent trop tard ; dans ce jeu surnaturel, sorti du bons sens quotidien, nous ne connaissons pas l’humour, les sources de la tendresse, la simple caresse d’être aimé pour Soi. Nous sommes des porteurs de gravité !

Cet enfermement progressif entre deux mondes n’est pas favorable à la paix intérieure et propose, malgré les sourires et paroles de sagesse, une vision morbide du monde dans laquelle nous plongeons par obligation.

États de conscience modifiés

Pour accéder aux états de conscience modifiés je devais me prêter à des diététiques que je refusais souvent parce qu’il s’en suivait des modifications neurophysiologiques que j’avais du mal à évacuer. Aujourd’hui je n’en connais pas les conséquences.

Pouvais-tu refuser l’absorption de ses produits ?

Tu n’imagines pas la puissance contenante et dominatrice de certaines formes de tradition

Si je voulais conserver les avantages de mon statut il fallait passer par certains rituels reconnus contraire à l’hygiène mentale du corps humain.

Tu as donc vécu un statut de sacrifice avec le dolorisme qui lui est attaché.

Il m’a permis de nourrir mes trois femmes et mes dix-sept enfants

Qu’a-t-il permis pour toi ?

Satisfaire mon Ego avec toutes les illusions qui lui sont attachées.

Comprendre que la pathologie des autres reste inamovible si la personne atteinte ne fait pas d’effort pour elle-même et si elle n’entre pas dans un processus autoguérison.

États de fatigue non identifiés

Après toutes ces années de pratique du monde ésotérique, lentement, s’installe la conscience que les pathologies et les souffrances des autres représentent un poids considérable, facteur de fatigues non identifiées… Surtout quand on pratique seul !

Que penses-tu des nouveaux shamans occidentaux ?

Ils se trouvent dans une pratique anarchique des rituels en faisant croire que cette liberté est thérapeutique !

Le grand danger des pratiques rituelles vient du fait de les extraire du contexte traditionnel. Ces pratiques ont toutes été construites au cours de plusieurs siècles d’expérimentation. En une seule génération tout le tissu traditionnel a explosé et nous savons qu’un rituel sorti de son contexte perd son sens et son efficacité.

Il suffit de regarder les contenus des festivals shamaniques occidentaux pour comprendre qu’ils sont construits sur des emprunts anarchiques qui, sur le long terme entraînent des épuisements non identifiés contraires à la paix intérieure tellement recherchée à notre époque agitée.

Avoir la prétention de rectifier le fonctionnement des souffrances réelles ou fantasmées, installées et agissantes, suppose quelques protections.

Parmi elles se trouvent :

une puissante formation équivalente soit à un doctorat, soit à l’héritage, depuis l’enfance, d’une connaissance ancestrale

la capacité à travailler en équipe pluridisciplinaire, à partager les connaissances et à promouvoir l’organisation d’un environnement qui assure le soutient et le contrôle de l’hygiène mentale du thérapeute

la prudence et la modestie dans l’utilisation des plantes, huiles essentielles ou produits que l’expérience a pu prouver sur de nombreux échantillons

la culture de la joie, de l’écoute attentive, du bon sens pragmatique et de l’humour qui sont les leviers de toute guérison.

Je n’ai trouvé aucun de ces quatre facteurs auprès des nouveaux shamans occidentaux !

Pr Arom SOMATO

[1] Vient du latin « Religare » : Système de concepts reliés à un Dieu ou à un ensemble de croyances

Source images :

Native American Clipart

Source article 

http://mushum.com/lhygiene-mentale-des-nouveaux-chamans-ou-chamanes/

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